Plestia Alaqad, voix et regard sur Gaza

the eyes of gaza

Je viens de finir The Eyes of Gaza de Plestia Alaqad. Profondément bouleversée, je ne peux que vous conseiller de le lire. Je sais que d’habitude, je vous parle plutôt de pop culture sur Périne Papote. Je me suis d’ailleurs questionnée dans tous les sens sur ma légitimité à relayer cette parole.

Pourtant, chaque page m’a convaincue qu’il était impossible de ne pas le faire. Elles racontent l’horreur vécue par les gazaoui.e.s, mais aussi leur résilience et l’esprit de communauté qu’iels n’ont jamais eu le choix d’avoir.

Une voix essentielle

Plestia Alaqad, âgée aujourd’hui de 23 ans, est une journaliste, poétesse et écrivaine palestinienne. Tout juste diplômée, elle travaillait à Gaza dans les ressources humaines. Elle cumulait stages, missions en freelance et animait des ateliers de media training, jusqu’au 7 octobre 2023. Contrainte d’endosser un casque et un gilet pare-balles, elle devint ce jour-là correspondante de guerre.

Sur Instagram et TikTok, malgré le danger et les menaces, elle documente en effet depuis l’intérieur les bombardements israéliens et leurs conséquences. Elle rencontre ainsi les habitant.e.s, des médecins et des enfants, afin de raconter leurs réalités. Suivie par des milliers, puis des millions de personnes, lui est alors donné le surnom d’“Eyes of Gaza (“les yeux de Gaza”) par les médias, les internautes et les utilisateur.ice.s des réseaux sociaux.

Plestia Alaqad © Instagram

Plestia Alaqad © Instagram

De ses vidéos, mais aussi de son journal naît The Eyes of Gaza. Là, l’indicible prend en quelque sorte forme par les mots. Même si la journaliste Amira Hass l’a écrit, “il est impossible de quantifier la souffrance à Gaza”, ce livre transforme chiffres et images en histoires humaines concrètes. Il nous immerge dans la peur, la perte et la survie.

Aujourd’hui, Plestia vit en Australie avec sa famille. Mais même depuis l’exil, son témoignage, comme celui de tant d’autres palestinien.ne.s, reste primordial.

Puissance et poésie

The Eyes of Gaza ne se limite pas à un récit de guerre. C’est une archive personnelle, une lettre d’amour à une terre meurtrie. Plestia y transmet sa fatigue, son angoisse, son désespoir, mais aussi ses brefs souffles d’espoir - surtout pour un futur en paix, où la Palestine pourrait exister libre. Elle dit d’ailleurs destiner son livre aux générations futures, afin qu’elles “comprennent et se souviennent”.

Elle y partage aussi ses poèmes :

"Only in Gaza;
You sleep counting rockets rather than stars.
You wake up, if you wake up, to the sounds of bombs rather than birds.
Only in Gaza;
You sleep not knowing if, or how, you'll wake up […]
People remain
Not just survivors,
But warriors"

(“Seulement à Gaza, tu dors en comptant les roquettes plutôt que les étoiles. Tu te réveilles, si tu te réveilles, au son des bombes plutôt que des oiseaux. Seulement à Gaza ; tu dors sans savoir si, ni comment, tu te réveilleras […] Les gens restent. Pas seulement des survivant.e.s, mais des guerrier.e.s” – traduction personnelle)

Pour l'autrice, Gaza n’est pas un lieu de victimisation. Ses habitant.e.s ne sont pas des “survivant.e.s”, mais des “guerrier.e.s” qui se relèvent.

Par d’autres vers, elle dit aussi son attachement à sa terre et la souffrance de l’exil :

"Gaza, will you long for me?
As I long for you?
Will you await my return?
Will your streets still be there to greet me?
Will the woman with the birds still be there when I come back?
I left Gaza today"

(“Gaza, me regretteras-tu ? Comme je te regrette ? Attendras-tu mon retour ? Tes rues seront-elles toujours là pour m'accueillir ? La femme aux oiseaux sera-t-elle toujours là quand je reviendrai ? J’ai quitté Gaza aujourd’hui” – traduction personnelle)

Enfin, ce livre raconte la vie, les amitiés, la musique et les souvenirs, ouvrant une porte vers l’empathie. Dans un monde où les voix palestiniennes sont trop souvent invisibilisées ou instrumentalisées, The Eyes of Gaza impose leur humanité. En décrivant le quotidien, il échappe alors aux discours politiques qui pourraient réduire la souffrance à des chiffres.

Lire, écouter, ne pas détourner le regard

Au final, The Eyes of Gaza est un appel puissant à voir, à ressentir et à ne pas rester silencieux.se face au génocide en cours. Derrière chaque chiffre, chaque image insoutenable, il y a des vies brisées, des familles endeuillées, des enfants assassinés, des rêves écrasés par l’État d’Israël. Cette réalité souligne l’urgence d’une action humanitaire immédiate et d’une pression internationale bien plus forte pour mettre fin au siège et à toute cette violence.

Je suis profondément admirative du courage de celleux qui ont embarqué à bord du Global Sumud Flotilla, cette flotte composée de cinquante navires en route vers Gaza. Activistes, journalistes, avocat.e.s, étudiant.e.s, député.e.s… plus de 44 pays sont représentés. Face à l’inaction ou à la complicité de certains gouvernements, on constate que ce sont les citoyen.ne.s qui prennent les devants.

Plus que jamais, il est crucial d’écouter les paroles comme celles de Plestia Alaqad. Relayons-les. Ne détournons pas le regard.

L’indifférence n’est et ne sera jamais une option.

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